RenaissancePour une raison obscure j'avais toujours considéré la mort comme quelque chose de distant, qui ne me concernait pas directement. Mourir c'était l'affaire des autres pas la mienne. C'est peut-être ce que vous pensez aussi à moins que ne promeniez sur les rives du Styx auquel cas vous êtes surement beaucoup plus conscient de la facilité de passer de l'autre côté. Parce que oui, mourir est très, très facile. Croyez moi je suis mort deux fois en l'espace de deux mois. Bon d'accord une fois et demie, parce que la première fois je m'en suis sorti. Toujours est-il que quinze ans d'existence sans même apercevoir un bout de cape de la Faucheuse ne m'avait pas préparé à ce qu'elle vienne s'acharner sur moi jusqu'à ce qu'elle parvienne à m'emmener chez les fous. Oui vous avez bien lu, les fous.
Au point où en est, je ferais mieux de vous dire que vous pouvez vous débarrasser de toutes vos idées préconçues sur la mort. Elle arrive quand elle le veut et pas quand vous vous le voulez. Que vous soyez jeunes, vieux, fous ou sain d'esprit ça ne fait aucune différence. C'est une vieille acariâtre sans une once de pitié pour ses pauvres victimes et avec un sens de l'humour qui ne plait pas à tout le monde. Sitôt mort vous êtes envoyé en Enfer et l'Enfer n'est pas un barbecue géant rempli de démons comme on essaye de nous le faire croire depuis notre premier braillement: c'est un asile. Ne riez pas c'est vrai. L'Enfer est peuplé de fous, de psychopathes, de crétins finis et de gens bizarres. Autant dire que n'importe qui d'à peu près normal ne fait pas long feu.
L'enfer est un endroit aussi étrange que ses habitants. Il est point d'arrivé de ceux qui sont oubliés par la société et rejetés dans les dossiers "décédés" mais aussi leur point de départ. Lorsque vous mourrez aux yeux de la société vous renaissez dans un genre d'existence parallèle, anormal. Et s'il y a un point sur lequel je dois insister c'est que la mort n'est pas la fin de vos ennuis mais leur début! Vous n'avez encore rien vu tant que vous n'êtes pas mort au moins une fois.
C'est ironique tout de même que ma nuit de sommeil la plus agréable dont je me souvienne suive ma mort. Parce que j'étais bien mort et j'avais du mal à m'en souvenir tel que je l'étais, allongé sur un matelas divinement confortable, enseveli sous une couette délicieusement chaude et les yeux clos. Ce qui me fit finalement ouvrir les yeux ce fut de me rappeler que chez moi on dormait sur des futons assez peu confortables et que selon toute logique si j'avais bien dormi c'est que je n'étais pas chez moi. Mes yeux s'ouvrir et je me retrouvais à admirer la blancheur immaculée du plafond. Ceci confirmait mes doutes. Chez moi les plafonds étaient en bois, noirs donc. Du moins à mes yeux.
Je refermais vivement les yeux. Soudainement faire semblant de dormir pour grappiller quelques minutes pour organiser mes pensées me paraissait indispensable. D'autant plus que le lit était bien moelleux...
Mon dernier souvenir n'était pas des plus réjouissant. On m'avait abattu d'un coup de feu bien placé après qu'une marsienne m'ait téléporté hors e ma salle de classe. Je résolut sur le champ de me rendre à l'hôpital dès que je le pouvais. A moins que j'y étais déjà ce qui expliquerait le plafond blanc. Mais un lit d'hôpital n'était pas aussi confortable que celui dans lequel je me trouvais. Un asile, peut-être. Mais offrait-on des lits aussi confortables à des gens fous et donc potentiellement incapable de les apprécier? Probablement pas.
Je n'avais donc aucune idées d'où je me trouvais ou de comment j'en étais arrivé à dormir là. Quelle situation réjouissante!
Décidant que faire semblant de dormir ne m'avancerais pas beaucoup plus, j'ouvris une nouvelle fois les yeux. le plafond réapparut dans mon champ de vision mais cette fois je ne passais pas mon temps à le regarder. Je tournais mon crâne sur un côté puis de l'autre lorsque je me rendis compte que je faisais face à un mur. Je me trouvais dans une chambre, au mobilier simple. Un lit, une chaise, une armoire, une table de chevet, un sol, quatre murs. Et aucune trace d'être vivant.
Je me soulevais difficilement en position assise. Difficilement parce que c'était douloureux de quitter la chaleur de la couette. Prit d'une subite inspiration je baissais les yeux vers mon torse. Mon uniforme avait été remplacé par ce que je devinais être un pyjama et qui concrètement était un haut à manches longues noirs et un pantalon assortis légèrement trop grand pour moi. Je tâtais ma poitrine où il me semblait avoir été touché, délicatement d'abord et, ne ressentant rien, avec un peu plus de force. Je finis par me dire que si je continuais à me cogner la poitrine j'allais me faire un bleu et alors là j'aurais mal et laissais ma main retomber.
Pas de blessures, pas de douleurs. Je remuais mes membres pour une ultime confirmation mais encore une fois je ne notais rien d'anormal. je commençais à douter de moi-même.
C'est à ce moment que la porte s'ouvrit et qu'un néon bicolore entra dans la pièce. Je clignai des yeux une, deux fois, trois fois mais j'avais toujours devant mes yeux une fille jaune fluos avec des taches de roses fluos comme si on lui avait balancé des pots de peintures roses dessus et que ça avait laissé des taches aléatoires et inégales. Je me prit à regretter la marsienne.
"Enfin réveillé, je vois." dit la peinturlurée sèchement. "Je venais justement te réveiller."
C'est là que je remarquais la bouteille d'eau, froide si l'on en croyais la buée, qu'elle tenait à la main. Charmant.
"Je m'appelle Stern." déclara le tyran d'un ton qui semblait dire que quiconque s'opposait à elle souffrirait terriblement.
Je ne réagis pas préférant étudier la personne qui m'avait convoqué de manière si radicale.
Elle était assez grande et avait une poitrine plutôt généreuse en partie dévoilée par son haut Union Jack. Ses cheveux, que je voyais noirs, étaient attachés en une couette sur son côté gauche au moyen d'un ruban à fines rayures. Elle portait des lunettes et avait un grain de beauté sur le menton à sa gauche. Elle paraissait plus âgée que moi mais jeune tout de même.
"Je suis désolé d'avoir dut t'amener ici comme ça," dit-elle l'air tout sauf désolé. "mais nous étions pressés."
Elle ne précisa pas qui étai nous.
"Tu as surement remarqué que tu étais différent depuis ton accident, je t'expliquerais pourquoi plus en détails plus tard. Pour le moment tout ce dont tu as besoin de savoir c'est que nous sommes pareils." tout cela dit sur un ton ferme de celle qui avait l'habitude d'être obéie. "Maintenant je veux savoir quel est ton talent."
Ce n'était pas formulé comme une question et il me fut facile de comprendre que quelque chose de plus grave que la mort m'arriverait si je ne répondais pas. J'optais donc pour une réponse explicite mais brève.
"Je vois tout en noir et blanc sauf certaines personnes." dis-je, voix monotone, regard méfiant et tout ce qui va avec.
"Bon tu t’appelleras Eye, alors." la réponse avait fusé quasiment immédiate.
Il me fallut quelques secondes pour comprendre ce qu'elle venait de me dire. Une fois l'information assimilé je me mit à plaindre ses futurs enfants. Si elles mettaient aussi peu de temps à leur donner un nom je ne préférais pas penser au résultat.
"Enfile les vêtements qu'il y a dans l'armoire et rejoins-nous dans le salon, on a pas de temps à perdre."
Sur ces mots elle me tourna le dos et ressortit en fermant la porte derrière elle. Je ne savais donc toujours pas où j'étais ni comment j'étais arrivé là mais je savais maintenant qu'il y avait d'autre gens bizarres se trouvant ici. Une pensée tout fait rassurante que je n'explorais pas parce que la Reine des Démons m'avait donné un ordre et tout me hurlait qu'on ne lui désobéissait pas impunément.
Stern indeed.